Nous sommes en Angleterre sous le règne de Victoria (1837-1901), le pays est en plein révolution industrielle et en passe de devenir la première puissance mondiale. Les industriels fortunés épris d'archéologie deviennent les premiers clients des artistes de l'époque. Parallèlement la femme victoriennne est cantonnée dans son rôle d'épouse et de mère, enserrée dans ses corsets, crinolines et jupons à l'instar de la reine elle-même. Le corps de la femme devient alors un sujet majeur en peinture, l'artiste n'ayant de cesse de la représenter aux antipodes de sa condition réelle. Elle incarne la nostalgie d'un âge d'or quelque part entre la Grèce et l'Egypte, un ailleurs fantasmé où libérée de son carcan de tissu elle se dévoile sous de légères étoffes transparentes. L'épouse fidèle devient héroïne grecque et pourtant cette apparente libération n'est-elle pas à l'image d'un autre carcan : la vision romancée du harem ? En effet de nombreux tableaux représentent une femme rêveuse, alanguie, parée d'étoffes et de bijoux à la mode orientale mais oisive, dans l'attente perpétuelle du bien-aimé.
Ci-dessous, une toile d'un des peintres emblématiques de cette époque : Sir Lawrence Alma-Tadema. Friand de scènes antiques, il propose ici son interprétation des Roses d'Héliogabale, épisode tragique de l'histoire romaine. Le jeune empereur Héliogabale utilisa lors d'un festin le toit réversible de sa salle de banquet pour faire tomber en abondance des violettes et autres fleurs sur ses convives dont plusieurs moururent étouffés. Pourtant sur la toile d'Alma-Tadema, les invités semblent nonchalamment installés sous le regard placide du jeune empereur. Les violettes sont remplacées par des roses, fleur à la signification plus ambigüe.
Les roses d'Héliogabale, Sir Lawrence Alma-Tadema, détail, 1888.
Autre artiste majeur de cette époque, Frederic, Lord Leighton. Il a étudié la peinture en Allemagne, en Italie et en France mais ce sont ses voyages en Afrique du nord et au Moyen Orient qui inspirent ses toiles et l'agencement de sa splendide demeure londonienne dans Holland Park, devenue aujourd'hui le Leighton House Museum.
Jeunes filles grecques ramassant des galets au bord de la mer, Frederic, Lord Leighton, 1871
Bel exemple du thème antique propice à une discipline en vogue : le nu.
Moïse sauvé des eaux, Frederick Goodall, 1885
Deux tableaux illustrant une autre source d'inspiration victorienne : les légendes médiévales et l'occultisme. La femme aux passions obscures se fait sorcière mais reste séduisante, froide et lointaine. Le premier tableau est de Sir John E. Millais qui est avec Dante Gabriel Rossetti et William Holman Hunt l'un des trois fondateurs de la Fraternité préraphaélite.
La couronne de l'amour, Sir John E. Millais, 1875.
La boule de cristal, John W. Waterhouse, 1902.
Pour finir le spectateur reste sous le charme de la courtisane, le corps est dévoilé, le regard pénétrant, la tenue orientale à souhait. Le charme opère.
La joueuse de saz, William C. Wontner, 1903.
Désirs et volupté à l'époque victorienne, jusqu'au 20 janvier 2014.
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