mardi 15 octobre 2013

Alchimies…

Le Muséum National d'Histoire Naturelle accueille actuellement au sein de la Grande Galerie de l'Evolution une superbe exposition des photographies de Sarah Moon ayant trait à l'animal et au végétal. Près de 150 clichés noir et blanc mais aussi couleur et une incroyable cohérence pour des images prises ces vingts dernières années. L'artiste a réalisée une partie d'entre elles en résidence au Muséum cet été, une autre en 2000 dans la zoothèque dont elle a fait donation au Muséum, les autres photographies étant issues de ses productions précédentes sans lien direct avec le Jardin des Plantes.
Sont également présentées deux vidéos, l'Effraie d'après un conte d'Andersen Le petit soldat de plomb auquel Sarah a ajouté la présence d'un taxidermiste et Ménagerie du Jardin des Plantes tournée cet été.
La première sensation troublante lorsqu'on regarde ses clichés est la quasi impossibilité à distinguer les animaux appartenant au monde des vivants de ceux naturalisés tant la technique du flou de l'artiste brouille les frontières. Le flou ranime les corps taxidermisés tandis que les imperfections des tirages, les petits accidents sur la pellicule et le noir et blanc embaument les vivants. Dans les effets de matières se dessinent des dorsales comme autant de fossiles, des ondulations aqueuses cernent des créatures terrestres, Le marabout au soleil, 2002 semble être un comédien juché sur une paire d'échasses tandis que Le chien, 1999 pourrait être une simple peluche.
Tout autant qu'une reconstitution muséale, sa photographie joue le simulacre. Les décors sont-ils réels ou peints ? Est-ce un tronc ou le dos d'un reptile ? Est-ce un ciel qui se déchire ou un négatif photo fatigué ?
Sarah Moon avoue réaliser dans chaque photo une fiction et non une vision réaliste, et chercher par le biais de la photographie la part humaine se trouvant en chaque animal. La ménagerie possède un point commun avec l'ensemble de son travail : un mélange de séduction et de profonde mélancolie. Elle y a passé beaucoup de temps à observer les animaux, et s'est d'ailleurs demandé si certains, habitués à sa présence quotidienne, parvenaient à la reconnaitre.

"Ma vision est un peu embaumée du fait même que l'instant est déjà mort quand je le saisis. Créer l'illusion, la chimère, animer l'inanimé, brouiller les pistes, j'ai toujours pensé que je suis un peu taxidermiste quand je photographie, quand j'essaie de mettre les fantômes de mon côté, de sauver l'aperçu de l'oubli, de faire comme si c'était possible de voir autrement ce que j'ai perdu, de réinventer ce que j'ai cru voir." S. Moon


Alchimies, Jusqu'au 24 novembre 2013.

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