vendredi 3 mai 2013

Pissaro dans les ports…


Lorsque Camille Pissaro découvre en 1895 la série des cathédrales de Rouen peinte par Claude Monet, il est séduit et trouve le thème qui allait l'habiter jusqu'à la fin de sa vie : les ports. Commençant sa série par Rouen, il la poursuivra à Dieppe pour la clôturer au Havre, ville qui l'a vu débarquer à l'âge de 12 ans depuis les Caraïbes pour étudier à Paris.

Le musée André Malraux du Havre lui consacre actuellement dans le cadre du festival Normandie Impressionniste une magnifique rétrospective, réunissant 30 de ses oeuvres portuaires ainsi que 14 gravures et dessins, réalisant le voeux pieux de l'artiste qui souhaitait voir ses toiles côte à côte.
La visite commence par une série de peintures d'Eugène Boudin. Nous sommes au port mais sur l'eau, le quai est un simple horizon sur lequel s'amarrent des voiliers, une forêt de mâts qui s'entrecroisent comme une interprétation romantique des activités commerciales. Bien que certaines de ses toiles soient contemporaines de celles de Pissaro, elles semblent beaucoup plus datées, renvoyant au temps des colonies, de la compagnie des Indes et de la traite négrière.


Puis commence la série des 30 toiles de Pissaro, nous ne sommes plus sur l'eau, nous surplombons les quais. Pissaro peint le plus souvent d'un point de vue en hauteur, sa chambre d'hôtel, qu'il choisit au beau milieu de l'agitation. Une position privilégiée qui lui permet un angle unique sur la vue urbaine, l'activité humaine et industrielle et ces cieux chargés de nuages, de pluie et de fumées qui ne cessent de changer. Sa peinture est loin des navires chargés de rêve de Boudin. Le matin se lève, la brume monte, la foule s'anime, les cheminées crachent, les embarcations se croisent, les marchandises s'entassent… On est au plus près de l'action, du réel, le port commercial est ancré dans son époque. Pissaro décrira Dieppe comme "…un endroit admirable pour un peintre qui aime la vie, le mouvement, la couleur." Quand il s'installe au Havre, invité par un collectionneur, Pieter Van der Velde, le port est en train de connaitre de grands travaux d'expansion, Pissaro se réjouit du caractère historique que prennent subitement ses toiles. En parallèle, il réalise des eaux-fortes aux cadrages plus serrés sur les acteurs de ces scènes qu'il observe chaque jour. Il peindra au Havre jusqu'en 1903, année de sa mort.

L'exposition se termine par les tentions sociales et la menace de grève qui secoua le port en 1900 et deux toiles remarquables de Raoul Dufy. Le coucher de soleil embrase les quais, les dockers s'éloignent, l'impressionnisme laisse place au fauvisme.

Jusqu'au 29 septembre, Pissaro dans les ports, Rouen, Dieppe, Le Havre au Musée André Malraux du Havre

Camille Pissaro, Pont Boieldieu, Rouen, temps mouillé. © Art Gallery of Ontario, Toronto
Camille Pissaro, Rouen, déchargement du bois, quai de la Bourse, coucher de soleil. © Collection particulière / photo Beth Phillips


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire