Le grand maître de l'exposition c'est Claude Monet, pas moins de 40 de ses toiles ont été ici rassemblées et offrent un fil conducteur en accord avec chaque partie de l'exposition. Un an avant l'Impression du soleil levant, toile réalisée au Havre ne lui ayant demandé que quelques heures de travail, Monet part aux Pays Bas pour échapper à la Commune. Il séjournera à Zaandam, et inspiré par le travail du peintre Johan Barthold Jongkind, il déclarera avoir trouvé "suffisamment d'inspiration pour peindre toute une vie durant". Il a surtout trouvé un endroit où quel que soit le paysage, l'eau est omniprésente, aussi changeante que le climat néerlandais, le miroir parfait se trouble régulièrement sous les effets du vent, les déclinaisons sont innombrables, une passion pour le reflet est née.
Parallèlement la photographie s'empare des thèmes aquatiques, les temps de pause relativement longs font de la surface un miroir parfait pour les plaisanciers sur leurs esquifs. Gustave le Gray quand à lui, offre une vision romantique de l'océan immobile, peuplé de quelques minuscules embarcations.
A la fin du XIX siècle, Monet mais aussi Pierre-Auguste Renoir, Gustave Caillebotte ou Alfred Sisley vont être les témoins d'un réel essor des loisirs et faire du canotage et des activités nautiques un de leurs thèmes de prédilection. Du clapotis scintillant de La yole de Renoir, au miroir ombragé et parfait d'En norvégienne de Monet en passant par les festivités des Régates à Moseley de Sisley et ses rameurs tels de minuscules virgules se découpant sur les flots, les fleuves se prêtent à toutes sortes de traitements picturaux. Particulièrement réussi dans Voilier sur la Seine, Argenteuil de Caillebotte, l'élément liquide permet une représentation de la voile blanche tendant vers l'abstraction. Le reflet devient ce formidable espace de liberté où personne n'osera contredire la vision du peintre.
Inventé par le peintre Charles-François Daubigny puis repris par Monet, le bateau-atelier permet une nouvelle approche des flots. Le point de vue est maintenant celui du plaisancier et non du spectateur, l'ouverture dans la cabine protégeant la toile et le peintre détermine le cadrage, l'espace de travail devient mobile à volonté, le peintre est au cœur même de son motif.
L'approche du reflet donnera naissance à de nombreuses techniques mais aussi à une nouvelle approche du tableau lui-même. En effet, c'est à la suite d'une crue de la Seine que Sisley se met à peindre plusieurs toiles du même endroit, Port-Marly, à différentes étapes de la décrue. Il crée ici la toute première série impressionniste, principe que reprendra Monet pour la cathédrale de Rouen ou Pissaro pour les ports de Rouen et Le Havre.
Monet sera lui aussi fasciné par les crues et la domination de son motif-phare : l'eau. Il la peindra jusqu'à la fin de sa vie à Giverny. Les nymphéas ne sont-ils pas la parfaite expression du triomphe de l'élément aquatique, la terre réduite à une simple ligne d'horizon qui disparaitra petit à petit du haut de la toile ?
L'exposition referme ses portes sur un documentaire émouvant d'Eugène Adget. C'est Claude Monet à Giverny (ci-dessous son autoportrait), en train de peindre les nymphéas. Il allume cigarette sur cigarette, joue avec son chien, sourie malicieusement au caméraman, évolue au milieu de cette nature dense où l'eau et les végétaux s’entremêlent pour faire oublier jusqu'à l’existence du ciel .
Jusqu'au 30 septembre, Eblouissants reflets, 100 chefs-d'oeuvre impressionnistes au musée des Beaux-Arts de Rouen.
Claude Monet Vétheuil en été © Rmn-Grand palais / Hervé Lewandowski.
Gustave Le Gray Brick au clair de lune © Victoria & Albert Museum, London.
Gustave Caillebotte Voilier sur la Seine, Argenteuil © Collection particulière / photo béatrice Hatala
Claude Monet Autoportrait
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